Inconnu du Maitron, Constant Vallez, tisserand, gère à la fois l’Imprimerie communiste de Roubaix, installée 8, rue du Pile au Palais du travail, et La Feuille anarchiste , d’après le numéro 5 de ladite Feuille . Vallez venait d’arriver à Roubaix, venant de Reims, où il avait pris la tête d’un mouvement de grève. Il était passé par Saint-Quentin, où on avait jugé Constant Vallez «exalté en paroles, révolutionnaire, mais incapable d’un attentat.» Bien entendu, selon la police, c’est aussi un saoulard insouciant… La Feuille anarchiste remplaçait La Petite Feuille anarchiste , journal gratuit, imprimé sur papier rouge, née le 5 avril 1902, qui ne dépassa pas le numéro 16 (3 mars 1903). Antimilitariste, anticléricale et athée, La Feuille combat violemment le Parti ouvrier, dont les militants sont qualifiés de «jésuites rouges». La Feuille anarchiste reproduit, dans son numéro 6, un supplément destiné Aux bleus , lors du dernier départ de la classe , distribué à 2 000 exemplaires : «Vous voici sur le départ, vous allez avoir à protéger la société où foisonnent le vol, le crime, l’injustice et l’infamie! Vous allez être les ennemis de vos frères! Vous serez les gendarmes du capital! Tâchez d’être les volontaires de l’humanité! Expliquez aux camarades de la chambrée l’odieux du militarisme.» Ce supplément vaut à Vallez, responsable de la distribution, un procès en correctionnelle. Il est poursuivi pour «un fait de propagande anarchiste, pour provocation des militaires à la désobéissance aux lois». Son avocat plaidera que le texte de l’affiche incriminée a déjà été publiée dans La Voix du peuple ou dans L’Union syndicale de Lens, sans que ces deux périodiques soient inquiétés. D’ailleurs le procureur général de Paris, interrogé par le juge d’instruction de Lille, a répondu qu’il ne poursuivrait pas. Procureur et juges de Lille font donc du zèle, en condamnant Vallez à 100 F d’amende.