REBOUX Alfred

La légende veut qu’Alfred Edmond Jean Reboux ait été associé très jeune au lancement du Journal de Roubaix , le 18 juin 1856: «le premier journal fut tiré par Alfred Reboux, alors qu’il n’avait que huit ans. Lorsque tout fut prêt, au moment décisif, on amena l’enfant à l’atelier, un ouvrier le prit dans ses bras, et lui fit tirer le levier, après quoi, il retira lui-même la feuille imprimée et la remit à son père.» Le Journal de Roubaix a multiplié ses éditions et paraît quotidiennement depuis 1869. Les bureaux et le matériel ont été transportés au n°1 de la rue Nain. Alfred Reboux y écrit son premier article à l’âge de 18 ans. Lorsqu’il succède à son père, il a 24 ans et c’est lui qui va progressivement transformer la modeste imprimerie paternelle en une entreprise industrielle. Alfred Reboux fonde à Lille le journal La Dépêche en 1879 et Le Nouvelliste du Nord-Pas-de-Calais en 1882. Il fusionne dans ces journaux l’ancien Mémorial de Lille , et l’ancien Propagateur du Nord et du Pas-de-Calais , dont il s’était rendu propriétaire. Puis ces journaux passent à une société lilloise en 1886. Il est propriétaire directeur du Journal de Roubaix , mais également du Courrier de Tourcoing et de la Gazette d’Armentières . Sa seconde femme qui lui succédera évoque ses projets et ses réalisations dans une conférence: «il avait rêvé de doter notre région d’organes destinés à défendre les idées de liberté et d’égalité qui étaient les siennes. […] C’est chez lui que s’initient des fondateurs de journaux comme l’abbé Trochu, directeur de L’Ouest Eclair . Il conçoit une vaste agence de presse réalisée après lui…» La profession lui rendra hommage en faisant de lui le président d’honneur de l’Association professionnelle des journalistes du Nord, lors de la création de cet organisme. Le formidable développement du Journal de Roubaix s’appuie sur des éléments bien précis: la modernisation de ses équipements, un grand réseau de distribution, une bonne agence de presse, une conception forte des devoirs du journaliste, et une forte imprégnation de la vie publique et politique. La politique accapare bientôt Alfred Reboux: il se présente comme catholique, libéral et démocrate. Il est candidat au Conseil d’arrondissement en 1880, et il échoue de peu. A l’occasion des élections complémentaires des 16 et 23 avril 1882, il est élu avec un frère des Ecoles chrétiennes, et il entre au conseil municipal sous la mandature de Léon Allart. En 1884, il est réélu, cette fois-ci dans un conseil municipal majoritairement conservateur, sous la mandature de Julien Lagache. Les élections générales des 6 et 13 mai 1888 voient la fin de sa carrière politique, mais il poursuit le débat en se consacrant désormais à la direction de son journal. Il y a chez Alfred Reboux une véritable conception du métier de journaliste: «Tout le secret de la réussite du Journal de Roubaix, c’est qu’il fait son métier et qu’il est honnête. Il fait son métier en donnant toutes les nouvelles, toutes les informations. Il est honnête, c’est-à-dire qu’il dit toujours la vérité aussi exactement que possible et sans parti-pris. En politique, il importe de combattre vigoureusement les principes, et de toujours respecter les hommes.» Cela n’empêchait pas Alfred Reboux d’être un éditorialiste mordant, un polémiste vigoureux. Ses collègues le lui reconnaissent volontiers: «Sans être batailleur, Monsieur Reboux acceptait volontiers la polémique. Il s’y montrait habile et courtois; nous lui rendons volontiers cet hommage, nous qui avons rompu quelques lances avec lui. Son style avait de la précision, de l’élégance et une correction impeccable. Ses arguments empruntaient plus volontiers leur force au bon sens et à la raison qu’aux spéculations élevées et d’appareil scientifique. » Sa seconde femme faisait de lui un bel éloge: «Le voici avec ce caractère vif, emporté, indice d’une nature extrêmement sensible, qui s’assouplissait merveilleusement dans la polémique, afin d’opposer à l’adversaire non des épithètes, mais des arguments.» La maladie eut raison de cette énergie décuplée. Selon plusieurs témoignages, Alfred Reboux souffrait depuis de longues années d’artériosclérose. Son état s’aggrave subitement au début de l’année 1908 et il décède d’une crise de néphrite le 10 avril 1908.