, directeur Fils d’un directeur de banque, devenu négociant en toile après avoir été ruiné, Gustave Masure doit renoncer, pour des raisons de santé, à l’école des Arts et Métiers où il venait d’être reçu. Lors de sa convalescence qui dure plusieurs mois, il répond à une petite annonce et se retrouve rédacteur au très gouvernemental Mémorial de Lille qu’il quitte en 1860 pour L’Echo du Nord . Pendant cinq ans, Masure y exerce les fonctions de rédacteur politique et entame une mue politique. Selon la police, il s’y «dépouille de son enveloppe gouvernementale» et se montre «un adepte de la démocratie la plus avancée». Il fait, selon la même source, du vieil Echo pourtant bien assagi «l’organe violent des idées démagogiques de toutes les mauvaises passions». Sa rencontre avec le journaliste Géry Legrand, fils de l’ancien député au Corps législatif, rentré à Lille en 1859, est-elle la cause de son évolution? Masure collabore en effet à La Revue du mois , lancée en 1861 par le futur maire républicain de Lille. En tout cas, le pouvoir incite Alexandre Leleux à se défaire de son rédacteur qui, en mai 1865, est élu conseiller municipal démocrate. Surveillé, Masure se fait plus prudent. En juillet 1866, il lance un hebdomadaire imprimé à Bruxelles Le Progrès du Nord . «Il serait bien difficile de trouver un caractère de sympathie pour le gouvernement» note la police impériale à propos de ce périodique. Toutefois elle reconnaît que «soit par crainte de ne pouvoir pénétrer en France, soit pour tout autre motif […] Le Progrès est assez sagement rédigé.» En 1867, les données changent, Napoléon III se déclare favorable à une réforme de la législation sur la presse. Au prix d’une lettre dynastique, Masure entend profiter de l’occasion pour transformer son hebdomadaire en quotidien politique. L’autorisation lui est accordée et le 3 mars 1867, Le Progrès affirme ainsi qu’il entend être «attentif aux mouvements qui transforment peu à peu les bases de la société». Comprenne qui voudra! Le divorce avec le pouvoir est vite consommé. En janvier 1868, lors d’une élection partielle au Corps législatif à Lille, le journal soutient Géry Legrand contre le candidat officiel qui l’emporte aisément. En novembre 1868, il relaie la souscription lancée dans Le Réveil de Paris par Charles Delescluze. L’ancien rédacteur en chef de L’Impartial de Valenciennes entend faire ériger un monument à la mémoire du député Baudin, tué le 2 décembre 1851. Cette provocation entraîne la saisie du journal et la poursuite en justice de Masure. Celui-ci est alors défendu par un jeune avocat, Léon Gambetta, qui, conseil de Delescluze, vient de dresser un véritable réquisitoire contre le Second Empire. Masure qui a déjà connu la prison en avril 1868 pour avoir «appelé les militaires à la désobéissance», la retrouve plusieurs fois. Ce qui ne l’empêche pas, en janvier 1870, de lancer une nouvelle souscription en faveur, cette fois, d’un monument à la mémoire du journaliste Victor Noir, tué par un cousin de l’Empereur, Pierre Bonaparte. Décrit comme un polémiste au style net, froid, acéré, il ne sourit, selon Le Diable rose , qu’une seule fois dans sa vie: «Ce fut quand il entendit, au 4 septembre 1870, sortir d’une poitrine humaine un cri: Vive la République!» Masure retrouve alors Gambetta, devenu ministre de l’Intérieur du gouvernement de Défense nationale, qu’il accompagne en octobre 1870 à Tours et à Bordeaux. De retour à Lille, il reprend le combat à la tête d’un journal qui n’est toujours pas épargné par le Pouvoir et notamment en 1877 pour avoir reproduit le mot de Gambetta à l’adresse de Mac Mahonle 15 août à Lille lors de la campagne électorale : «Quand la France aura fait attendre sa voix souveraine, croyez-le bien, Messieurs, il faudra se soumettre ou se démettre…» Masure est alors député de Lille. Elu en mars 1876, il est réélu en octobre 1877 où les républicains obtiennent la majorité à la Chambre, puis en septembre 1881. Il meurt en octobre 1886 après avoir refusé de mener une dernière bataille électorale. Ses obsèques, le 19, sont suivies par quelque 3 000 personnes. Anticlérical, Masure est pourtant accompagné par un prêtre.