«Personnalité imprécise» écrit d’Edmond Magnier l’historien de la presse Pierre Albert dans le tome III de l’ Histoire générale de la presse française . Né le 20 avril 1841, la vie du fils de Pierre Joseph Magniez, cordonnier à Boulogne-sur-Mer, et de Marie Marianne Stubert fut pour le moins romanesque, voire rocambolesque. Selon les documents conservés aux Archives départementales du Pas-de-Calais, le 1 er janvier 1869, il fonde dans sa ville natale le quotidien politique La France du Nord dont le tirage atteint plus de 2000 exemplaires. En mars 1871, il devient également propriétaire rédacteur en chef de l’hebdomadaire L’Union républicaine de Calais. En mai 1871, on le retrouve dirigeant l’éphémère quotidien amiénois La Somme. Le 3 novembre, il est condamné à trois mois de prison, 200 F d’amende et 2000 F de dommages et intérêts pour diffamation du général Henry, commandant de la subdivision de la Somme. En janvier 1874, Magnier revend La France du Nord à Nathan Berr, imprimeur à Boulogne-sur-Mer. Chassé du Figaro en 1870 par Villemessant – nous suivons ici Pierre Albert –, il fonde en avril 1872, avec Auguste Dumont, lui-même administrateur du Figaro, L’Evènement . Après la démission d’une grande partie de la rédaction et de Dumont, il en devient propriétaire en décembre 1872, le faisant évoluer du centre gauche au radicalisme. A la suite d’articles parus dans son journal , il doit au cours des années suivantes répondre aux injonctions de plusieurs personnes qui lui demandent réparation pour diffamation les armes à la main: le comte Albert de Dion, Georges Legrand, Thomeguex et Joseph Reinach. A plusieurs reprises, on retrouve, pour d’autres motifs, son nom à la rubrique judiciaire de la presse. Si, par ailleurs, l’homme mène grand train, il a la réputation de«ne pas payer ou si peu et si difficilement ses collaborateurs». Edmond Magnier a également des ambitions politiques. En octobre 1877 et en août 1881, il se représente en vain aux élections législatives à Nice et à Draguignan. Afin de mieux s’enraciner dans le département du Var, il achète le château de San Salvadour à Hyères qui, en avril 1892, reçoit la visite de la reine Victoria. En 1880, il est élu conseiller général à Saint-Tropez et est réélu à plusieurs reprises. De août 1890 à août 1892, il préside même le conseil général du Var. En 1887, il est élu maire de Hyères. Par contre, il échoue lors des élections législatives de 1889, mais il est élu sénateur du Var en janvier 1891. «Des dépenses exagérées et le goût du luxe bruyant et inutile ne tardèrent, selon Le Figaro , pas à mettre le désordre dans ses affaires.» En avril 1895, le tribunal de commerce de la Seine prononce sa faillite. L’Evènement est racheté par G. Laplace, cependant, Magnier reste rédacteur en chef. En quelques semaines, les ennuis s’accumulent. Rattrapé par le scandale des Chemins de fer du sud, en août, il est accusé d’avoir reçu illégalement quelque 87500 F de la société. Mis en accusation, il prend la fuite alors que son domicile parisien est surveillé par la police. Quelques jours plus tard, il se constitue prisonnier. Il est finalement condamné à six mois de prison et est déchu de son mandat en décembre 1895. Ses propriétés, dont son château, sont mis en vente. Ruiné, il meurt le 29 mars 1906 à la maison des frères Saint-Jean-de-Dieu à Paris. Il est inhumé à Boulogne-sur-Mer.