Catholique, légitimiste et cambrésien, tels sont les trois adjectifs qui, quel que soit leur ordre, qualifient Ernest Delloye qui, pendant trente ans, dirigea L’Emancipateur de Cambrai et s’évertua à en faire un journal dont la parole porta dans son milieu.
Fils d’un fabricant de sucre, président du tribunal de commerce de Cambrai, Ernest Charles est d’abord élève au petit séminaire de Cambrai avant de rejoindre, en 1856, son frère au collège de Marcq-en-Barœul, dans la banlieue lilloise, comme pensionnaire. Bachelier ès-lettres en 1863, le jeune Ernest Delloye souhaite, comme il l’écrit dans une lettre datée du 24 octobre 1864, «être utile aux autres, travailler au bien moral de la société», trouver «un poste où [il] aura assez de pouvoir pour faire triompher [ses] sentiments chrétiens, où [il pourra] agir et faire agir les autres comme tout catholique doit agir». Etudiant en droit et en théologie, il obtient, en août 1867, sa licence en droit, mais renonce au barreau et pense faire carrière dans la presse parisienne.
Cambrésien dans l’âme, il renonce là aussi, préférant écrire dans L’Emancipateur de Cambrai , journal légitimiste et catholique, qui répond à ses aspirations . La mort de Louis Carion, en août 1869, lui offre l’opportunité de prendre la direction de ce journal qu’il va transformer et agrandir. En 1877, la périodicité du journal passe à quatre jours par semaine. Dix ans plus tard, en août 1887, Delloye n’hésite pas à engager des fonds personnels pour en faire un quotidien et embaucher un rédacteur supplémentaire. Il organise un système de dépêches pour que les principales nouvelles de la journée soient publiées le soir même dans son journal. Dès sa fondation, en 1886, par Louis Veuillot, il est membre du conseil de la Corporation chrétienne des publicistes qui rassemble nombre de journalistes catholiques.
Royaliste, Ernest Delloye milite pour la restauration de la monarchie au profit du comte de Chambord, pensant ainsi travailler au bien de l’Eglise catholique. Partisan du drapeau blanc, il rejette les théories révolutionnaires, symbolisées par le drapeau tricolore. Par la suite, il s’aligne sur les positions d’Albert de Mun, qui, en 1885, réclame l’organisation d’un parti catholique. Peu favorable à la liberté de la presse, il défend toute sa vie la liberté de l’enseignement et sa diffusion. A ce titre, il fonde notamment l’œuvre du denier des écoles catholiques, prend part à la fondation de l’Institution Notre-Dame de Grâce à Cambrai.
Surnommé le «jésuite à robe courte» par le journal républicain Le Libéral de Cambrai, la police républicaine ne se montre pas tendre à son égard. Elle le présente soit comme «sectaire et fanatique, […] inaccessible à toute influence, même à celle des chefs du parti radical. Bilieux et méchant», soit, dans le meilleur des cas comme «très ardent en politique». Ernest Delloye quitte son journal en 1896. Il meurt deux ans plus tard, le 15 avril 1898 à l’âge de 56 ans. Lors de sa mort, La Croix du Nord écrit: «Al’apostolat par la presse, M. Delloye ajouta une active et infatigable coopération à toutes les œuvres de charité et de foi nombreuses à Cambrai.» Il fut notamment président de la Conférence Saint-Vincent de Paul de la paroisse Saint-Géry. Son engagement lui valut d’être nommé, en février 1897, chevalier de l’ordre de Saint-Grégoire-le-Grand par le pape Léon XIII.
Profondément attaché à sa ville natale, il collectionna de nombreux écrits, plans, dessins et tableaux sur son histoire qu’il légua au musée. Il milita pour la réhabilitation du patrimoine de la ville et notamment pour la conservation et la restauration de la porte Notre-Dame, trouvant un mécène en la personne du fabricant de chicorée G. Black. Membre de la Société d’émulation, il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur la ville de Cambrai, sous son nom propre ou celui de Bernard de Marcq, en souvenir de son passage au collège de Marcq-en-Barœul.