Libraire, puis imprimeur, fondateur de plusieurs titres, Lucien Crépin a marqué l’histoire de la presse douaisienne du Second Empire aux premières décennies de la III e République. L’homme n’est pourtant pas natif de Douai. Lucien Louis Crépin naît à Lille le 1 er décembre 1831, il n’est légitimé par son père, François Joseph, serrurier domicilié à Haubourdin, que le 28 octobre 1840 lors de son mariage avec sa mère Camille Catherine Duhem, rentière. D’abord installé libraire, 32, rue de Procureurs à Douai, Lucien Crépin obtient son brevet d’imprimeur le 8 juillet 1861 alors qu’il a déjà lancé plusieurs périodiques à la parution plus ou moins régulière et imprimés chez Horemans à Wazemmes (Lille), Le Kiosque en 1854, L’Industrie du Nord-Pas-de-Calais en 1857 qu’il transforme en journal politique en 1868, L’Echo de l’industrie du Nord et du Pas-de-Calais en 1859, le Bibliophile du Nord de la France en 1860 où il présente surtout les ouvrages en vente dans sa librairie… Titulaire du brevet d’imprimeur, il fonde Le Journal d’Orchies et de l’arrondissement de Douai, Les Annales du bibliophile… Le 15 mai 1864, à l’exemple du Petit Journal de Moïse Millaud et du Journal populaire de Lille de Géry Legrand dont le succès est incontestable, il crée «pour la classe ouvrière» un journal à cinq centimes le Journal de Douai … qui ne paraît, hélas, que «de loin en loin» selon l’expression de Georges Lepreux. Moins de six mois plus tard, la police annonce la disparition de ce Journal de Douai. Parallèlement, Crépin continue d’imprimer d’autres titres pour d’autres comme Souvenirs de la Flandre wallonne ou Le Courrier artésien … C’est surtout à partir de la guerre de 1870 qu’il donne sa pleine mesure. Le 26 août 1870, il lance le premier quotidien douaisien Le Petit Gaulois. Sommé par les propriétaires du quotidien parisien Le Gaulois d’abandonner ce titre, Crépin le baptise, dès le 4 septembre Le Journal de Douai . Une quinzaine de jours plus tard, le périodique qui entend défendre la République annonce que sa direction va être confiée à un comité de rédaction composé de démocrates connus. En fait, Le Journal de Douai s’efface le 25 septembre devant Le Libéral du Nord interdit après le coup d’Etat du 2 décembre 1851 dont Crépin est l’administrateur et imprimeur. L’entente entre le rédacteur en chef et l’imprimeur est-elle difficile? le 30 mars 1871, Emile Dupont transfère le journal à Roubaix où il est fabriqué par un imprimeur du cru, Lesguillon. Crépin reprend brièvement la parution de L’Industrie du Nord et du Pas-de-Calais avant de lancer le 21 mars L’Evènement dont il est, aujourd’hui, impossible de dire la durée de vie. Malgré deux condamnations pour délit de presse le 31 janvier et 27 avril 1872, Crépin persiste, le 22 mai 1872, il lance le Bulletin de l’Armée. Journal des administrations civils et des officiers ministériels qui ne semble pas non plus avoir connu un grand avenir. Par contre, quelques jours plus tard, il propose un trihebdomadaire qui, malgré bien des vicissitudes, connaît une existence plus longue, L’Ami du peuple. Son objectif annoncé: soutenir le gouvernement d’Adolphe Thiers. Dès le 28 janvier 1874, le journal est interdit de parution par le général commandant le 1 er corps d’Armée. L’Ami du peuple «condamné au silence» jusqu’au 2 février 1876, Crépin ne désarme pas, le 10 février 1875, il fait part aux autorités de son intention de faire paraître une feuille d’annonces, L’indicateur du chemin de fer du Nord. L’autorisation lui est refusée «en raison du mauvais esprit dont il est animé et des condamnations en matière de presse qui ont été prononcées contre lui». Un premier numéro paraît pourtant le 21 février, ce qui constitue, aux yeux de la loi, un nouveau délit en matière de presse. Le 4 janvier 1876, il obtient enfin l’autorisation de faire paraître Les Petites Affiches et annonces du Nord de la France de façon irrégulière, puis, à partir de mars 1882, chaque dimanche avec le sous-titre Journal de Douai qui, quelques mois plus tard, devient le titre principal. Le Journal de Douai paraît ainsi jusqu’au 28 juin 1935. Lors du retour de L’Ami du peuple, le journal est devenu la propriété «d’une société d’actionnaires» et Crépin a cédé la gérance. Le journal disparaît en 1886 à la suite d’un désaccord entre les actionnaires. Crépin qui reste propriétaire du titre le fait reparaître, en janvier 1888, comme supplément hebdomadaire du Journal de Douai qui l’absorbe le 30 juin 1890 . Durant toute cette période, Lucien Crépin imprime bien d’autres périodiques: La Revue des études, La Revue indépendante, Le Voyageur, le bulletin de L’Union des femmes françaises, les Procès-verbaux du Comice agricole de Douai… Il meurt le 10 janvier 1890, laisse cinq enfants dont deux fils qui lui succèdent Lucien Henri Arthur et Henri Gaston.